“Años Viejos” en Équateur : la mise à feu festive des effigies en papier mâché pour commencer la nouvelle année
Publié le 17 décembre 2025–Mis à jour le 17 décembre 2025
Años Viejos, littéralement “Vieilles années” et symboliquement “Effigies de l’année passée”, est une pratique culturelle populaire. Devenue une tradition en Équateur ces 5 dernières décennies, elle ne cesse de prendre de l'ampleur chaque nouveau 31 décembre.
Personnages du dessin-animé Vice-Versa en papier mâché - Francisco Lopez Andrade Cet événement annuel à l’ambiance familiale rassemble les Équatoriens et les Équatoriennes autour d’une conjuration festive des craintes du pays, afin de purifier le passage à la nouvelle année. La cérémonie est marquée par tout un rite : des effigies en papier mâché appelées “Monigotes”, représentant des personnalités culturelles et politiques fortes de l’année écoulée, sont mises en scène. Les veuves, souvent des hommes grimés en vieilles femmes, figures parodiées, interprètent des testaments mordants d’humour pour une lègue symbolique permettant de récolter de la monnaie, servant ensuite à financer les illustres festins de la soirée qui accompagnent la mort des Monigotes. En effet, la tradition se conclut par la mise à feu des effigies ; c’est la combustion qui est considérée purificatrice, elle crée un sentiment de renouveau qui suit le deuil, pour commencer la nouvelle année.
Feu - Francisco Lopez Andrade“Años Viejos” est le patrimoine vivant et social équatorien, c’est une fête qui conte une histoire culturelle et politique forte. Cette cérémonie de fin d’année est un espace de partage et d’échange pour les Équatoriens et les Équatoriennes, qui resserrent les liens.
En tant qu’historienne, Emmanuelle Sinardet est particulièrement intéressée par cet aspect. La chercheuse explique que les “Vieilles années” prennent racines au 18e siècle, et naissent d’un métissage culturel aux origines diverses, issues des différents épisodes de colonisation des pays d’Amérique latine. “Años Viejos” est, notamment, très liée à Guayaquil, la capitale économique du pays. Cette ville portuaire, située sur le fleuve Guayas, a connu, en 1895, une grande épidémie qui a amené à des mesures sanitaires visant à brûler les vêtements des défunts. Les Guayaquileños et Guayaquileñas en ont fait un geste symbolique, qui s’est caractérisé dans les 30-40 dernières années. De fait, cette crémation est devenue un spectacle aujourd'hui. Les effigies se sont complexifiées avec le temps et des concours du meilleur “Monigote” ont été créés. Le soir du 31 décembre, les locaux et les touristes parcourent les rues pour voir ce tableau de feu, satire sociale et politique.
Emmanuelle Sinardet est professeure en civilisation latino-américaine, membre du Centre de Recherches Ibériques et Ibéro-Américaines (CRIIA), et directrice de Emmanuelle Sinardet l’Institut Français d’Etudes Andines (IFEA) situé à Lima au Pérou. La chercheuse s'intéresse plus particulièrement aux épisodes culturels historiques ayant pour objet la construction d’imaginaires nationaux, et amenant à une réflexion sur ce qu’est une tradition, et comment cela nourrit l’identité d’un pays.
Comment naît une tradition ?
Une tradition est le résultat d’une pratique qui a été codifiée. C’est une construction culturelle et sociale, ayant une signification populaire et un caractère identitaire marqué, qui crée du lien et invite à échanger.
Un documentaire pour en apprendre davantage
Años Viejos (2013), réalisé par le cinéaste Pepe Yépez.