Ghislaine Glasson Deschaumes, directrice de la MSH Mondes

« Je m’efforce d’agir dans le sens du décloisonnement, de la collaboration et de l’intérêt général et de ne jamais rien considérer comme acquis - pas même l’esprit et la pratique démocratiques. »

Publié le 26 mars 2024 Mis à jour le 30 avril 2024

La MSH Mondes est une UAR (Unité d'appui à la recherche), qui soutient les recherches pluridisciplinaires et interdisciplinaires.

Cette maison est ouverte à l'ensemble des membres de la communauté scientifique de l'Université Paris Nanterre. Dans cet entretien, Ghislaine Glasson Deschaumes, directrice de la MSH Mondes, nous expose les appuis proposés.

Recherches participatives, humanités numériques, productions audiovisuelles… Elle nous présente aussi les axes du nouveau projet scientifique qu'elle porte depuis son arrivée en 2023 ainsi que les belles nouveautés à venir !

 
Sommaire :
 
L’équipe Point Recherche : Bonjour, merci d’avoir accepté de répondre à nos questions. La MSH Mondes est une Unité d'appui à la recherche (UAR) partenaire de l’Université Paris Nanterre, quelles sont les spécificités de ce statut ?

Ghislaine Glasson Deschaumes : Les unités d’appui et de recherche (UAR) ont une mission d’accompagnement de la recherche. Plus précisément, les 22 MSH de France sont des infrastructures de recherche dédiées aux sciences humaines et sociales. Elles reposent sur le partenariat entre le CNRS et les universités sur leur territoire –Paris Nanterre et Paris 1 Panthéon-Sorbonne, dans notre cas. Elles répondent à une charte et sont inscrites dans un réseau national. La MSH Mondes est un organisme rattaché.

Sa vocation est de soutenir et fédérer les démarches interdisciplinaires ou pluridisciplinaires novatrices tout en proposant un appui dans un ensemble de domaines, des ressources scientifiques et patrimoniales (bibliothèque, archives) aux données et humanités numériques, en passant par l’édition scientifique, l’imagerie des patrimoines et de la 3D, la production audiovisuelle et multimédia. 


 

« C’est une pépinière, mais aussi un vivier d’expertise pour des celles et ceux qui ont besoin d’un accompagnement poussé et ajusté à leurs besoins pour conduire leurs recherches et les valoriser. »

Ghislaine Glasson Deschaumes



Point Recherche : Que souhaitez-vous dire aux membres de la communauté scientifique de l’Université Paris Nanterre ?

G. Glasson Deschaumes : La MSH Mondes est un lieu d’accueil - accueillant, nous l’espérons -, de croisements, d’expérimentation et de débats. C’est une pépinière, mais aussi un vivier d’expertise pour des celles et ceux qui ont besoin d’un accompagnement poussé et ajusté à leurs besoins pour conduire leurs recherches et les valoriser.

Elle vous attend, c’est votre MSH !



 
Découvrez → le nouvel Appel à propositions "Faire à plusieurs 2024" 

Son objectif ? Permettre de :
  • Faire naître ou déplier des questions de recherche ;
  • expérimenter des dispositifs ;
  • accueillir en résidence des invités internationaux (artistes, chercheurs, membres de la société civile), d’ébaucher des projets en vue de financements nationaux ou internationaux.

Exemples de propositions possibles : 
  • Ateliers éphémères pour élaborer collectivement une expérimentation ;
  • Projets de recherche interdisciplinaires et expérimentaux de toutes natures, par exemple recherche-création, recherche participative. (notamment associant des disciplines hors des SHS) ;
  • Projets de recherche interdisciplinaires et expérimentaux ayant pour objet le territoire d’ancrage de la MSH Mondes.
Deux axes thématiques :
  • "Mémoires et patrimoines des sociétés et des milieux"
  • "Conditions des sciences humaines et sociales et reconfigurations épistémologiques"
Vous pouvez aussi le repartager auprès de vos réseaux.

Clôture de l’appel le lundi 20 mai 2024 à minuit.


Point Recherche : Quelles sont les appuis offerts par la MSH ?

G. Glasson Deschaumes : 

D'une part, la MSH Mondes organise la collecte, la conservation et l’accès à des ressources scientifiques importantes, via la Bibliothèque d’Archéologie et des Sciences de l’Antiquité, l’une des 4 plus importantes en France,  et le Pôle archives, service versant aux Archives nationales,  et qui conserve des archives de haute valeur scientifique et patrimoniale.

D'autre part, elle appuie ou réalise la production et la diffusion de contenus scientifiques.
Ces pôles et services, bientôt complétés par le Studio expérimental déjà mentionné, participent au développement de supports pédagogiques et aux formations de niveaux master et doctorat principalement. Ils accueillent aussi des étudiants en stages de licence et de master.



 



 

« Je m’efforce d’agir dans le sens du décloisonnement, de la collaboration et de l’intérêt général et de ne jamais rien considérer comme acquis - pas même l’esprit et la pratique démocratiques. »

Ghislaine Glasson Deschaumes




Point Recherche : Comment s’articulent les missions de la MSH et des autres structures qui proposent des appuis à la recherche ?

G. Glasson Deschaumes : Le développement de la collaboration entre la MSH Mondes et La contemporaine est prometteuse. Le partenariat que nous engageons porte, par exemple, sur les Rencontres cinéma et sciences humaines de la MSH, la numérisation de certains artefacts de la collection du musée ou encore sur cette priorité partagée que sont les archives scientifiques, de tous formats. 

La MSH Mondes contribue à quatre dispositifs importants de l’Université Paris Nanterre. Partenaire du label SAPS, elle organise dans le cadre de la Fête de la Science, notamment, toute une série d’ateliers et de rencontres en lien avec les expertises métiers de ses pôles et services et les projets de recherche qu’elle porte ou accompagne. 

En tant que point d’entrée pour les IR* Huma-Num et PROGEDO et en tant que pôle d’expertise sur la science ouverte, elle contribue avec plusieurs de ses ingénieurs à l’Atelier de la donnée à Nanterre, dans ses trois volets (accueil, accompagnement, formation). 

Elle contribue aussi au partenariat de l’université avec les collectivités territoriales via la diffusion des savoirs ou des dispositifs de sciences participatives, et aux travaux de l’alliance EDUC, notamment dans son volet recherche.



Point Recherche : Un projet qui vous tient particulièrement à cœur à mettre en lumière ? Une réussite ? Une fierté ?

G. Glasson Deschaumes : La MSH Mondes est aujourd’hui sortie de la phase de restructuration, elle est forte d’une trajectoire claire, que soutiennent ses tutelles et que porte collectivement son équipe. Elle navigue sur son cap ! 



 

«  la MSH Mondes […] est un lieu de rencontre de diverses manières de faire de la recherche, priorité est donnée à l’expérimentation, à la recherche-création, à la recherche-participative et à la controverse démocratique sur les savoirs. »

Ghislaine Glasson Deschaumes

 

Point Recherche : La politique scientifique de la MSH Mondes a évolué récemment, quels sont les grands axes ?

G. Glasson Deschaumes : Dans le cadre du nouveau projet scientifique que je porte avec Julien Schuh, directeur adjoint, et Alexandra Pineau, directrice adjointe, ainsi que Cynthia Sayegh, secrétaire générale, la MSH Mondes se redéfinit dans une logique d’ouverture à l’ensemble des communautés de recherche de ses tutelles universitaires.

Les axes scientifiques ont donc été redéfinis, dans le sens d’une montée en généralité.
  • Le premier porte sur les patrimoines et mémoires des sociétés et des milieux, à toutes les époques, partout dans le monde et à différentes échelles. Corrélé au labex Les passés dans le présent, prenant en compte l’histoire scientifique et technique de la maison, il est amplement fédérateur dans notre périmètre et source d’innovations tant sociales que numériques.
  • Le second s’intéresse à la condition actuelle des sciences humaines et sociales et à leurs reconfigurations épistémologiques, dans le prisme des tournants majeurs que constituent l’ère numérique et le changement climatique, mais aussi les guerres. 
Transversale, la priorité numérique passe par une consolidation de notre implication dans les IR* PROGEDO et Huma-Num. L’objectif est d'approfondir le dialogue avec ces deux infrastructures pour lesquelles nous sommes le point d’entrée unique. Il s’agit d’une stratégie de développement, notamment à travers la mise en place d'ateliers d'utilisateurs, la participation à des développements de preuves de concept (POC), ainsi que des audits de services, d’outils et de plateforme. Dans cette optique, la MSH Mondes est site expérimentale Huma-Num depuis l’automne 2023 et porteuse depuis janvier 2024 du consortium-HN pictorIA.
  • Prenant au sérieux l’articulation entre recherche et ingénierie, nous mettons en place un ensemble de dispositifs pour renforcer le dialogue entre ingénieurs, enseignants-chercheurs et chercheurs. 
  • Considérant que la MSH Mondes, avec ses moyens modestes, est un lieu de rencontre de diverses manières de faire de la recherche, priorité est donnée à l’expérimentation, à la recherche-création, à la recherche-participative et à la controverse démocratique sur les savoirs.
 
 
Les grandes étapes et évolutions des missions de la MSH Mondes :

La Maison Archéologie et Ethnologie René Ginouvès s’est inscrite dans une génération de MSH abritant des UMR et centrées sur un nombre limité de disciplines. Organisée autour de l’archéologie et de l’ethnologie, avec l’histoire ancienne et médiévale et les lettres classiques, elle a été créée en 1996 entre le CNRS, l’université Paris Nanterre et l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.

L’origine du projet remonte à la fin des années 1970 et au dialogue entre René Ginouvès et d’Éric de Dampierre, le premier souhaitant regrouper à Nanterre plusieurs équipes d’archéologie de la région parisienne s’intéressant aux questions de méthodologie, tandis que le second y constituait un département après y avoir créé en 1967 le laboratoire d’Ethnologie et de sociologie comparative.

D’abord unité mixte de service (UMS), puis unité de service et de recherche en 2009 (USR), elle est aujourd’hui une unité d’appui et de recherche (UAR). Elle a été inaugurée en tant que « Maison » installée au bâtiment Ginouvès en mai 1998, avec pour membres les 5 laboratoires hébergés : ArScAn, ArchAm, Lesc, Prétech (devenue Temps) et Trajectoires. 

Répondant aux évolutions nationales concernant les périmètres et missions des MSH, que formalise la charte nationale des MSH en 2019, la MAE devient MSH Mondes le 1er janvier 2020, après une phase de préfiguration. Elle intègre comme associées les UMR ISP et LAVUE. Elle ouvre son appel à projets à toutes les unités de recherche des deux universités.

Depuis juillet 2023, le périmètre de la MSH inclut toutes les unités de recherche des deux universités et certains de ses pôles et services sont repositionnés en conséquence.
 
 
Point Recherche : Quelles sont les grandes nouveautés et les prochains chantiers ?

G. Glasson Deschaumes : 
  • Les pôles et services de la MSH Mondes viennent désormais en appui de toute la communauté de recherche de l’Université Paris Nanterre et de celle de l’université Paris1 Panthéon-Sorbonne. 
     
  • Un appel à projets reconfiguré vient d’être lancé au printemps 2024.  Intitulé “Faire à plusieurs, 2024”, il est une invitation à proposer des projets d’ateliers éphémères, d’expérimentation, de résidence de chercheurs, ingénieurs, artistes, membres de la société civile internationaux, ou des projets de recherche, toujours interdisciplinaires. Il est financièrement modestement doté, mais fort de l’apport en nature, via ses pôles et services, de la MSH.
     
  • Depuis janvier 2024, la MSH Mondes est porteuse du consortium pictorIA, avec la BnF, ArScAn et un grand nombre de partenaires académiques et culturels. Il vise à rassembler les expérimentations sur la reconnaissance automatique des formes et l’enrichissement des corpus visuels dans diverses disciplines. La MSH Mondes est la première dans le réseau des MSH à porter un projet centré sur l’IA.
     
  • Dans une logique d’ouverture des pôles et services de la MSH Mondes à leur environnement élargi, le pôle éditorial a créé fin 2023 une “Clinique éditoriale des revues” destinée à accompagner les revues dans les aspects juridiques, méthodologiques et techniques et à faciliter leur évolution vers la science ouverte. 
     
  • La relance du colloque international biennal de la MSH Mondes se fait, en 2024, en partenariat avec le labex Les passés dans le présent. Il est intitulé “Technocritique(s). Retour sur 3,3 millions d’années d’extériorisation technique des capacités”. L’appel à communications est en cours.
     
  • Nous créons en 2024 du Studio expérimental d’archéologie des médias, pôle transversal de l’UAR croisant les métiers de l’archive, de l’audiovisuel et des humanités numériques. Il donnera aux usagers la possibilité, d’une part, de (ré)apprendre le fonctionnement et l’utilisation d’instruments en passe de devenir totalement obsolètes et, d’autre part, de (re)mettre en circulation des images et des sons enregistrés en formats argentiques ou magnétiques suivant des finalités tant artistiques que scientifiques. Il associe plusieurs unités de recherche, ainsi que La contemporaine et Comète. 


 
Point Recherche : Vous avez pris la direction de la MSH en 2023, quel à été votre parcours ?

G. Glasson Deschaumes : Dans un cadre non-gouvernemental, en zones de conflits et post-conflits (Europe post-Guerre froide, Balkans, Méditerranée), j’ai commencé par conduire une action ancrée dans les sciences humaines et sociales, la création artistique et l’action militante pour les droits humains. Portée par la revue Transeuropéennes, que j’ai fondée en 1993, cette démarche a été puissamment collective et internationale. Tout en agissant concrètement sur le terrain, elle a forgé des outils critiques pour comprendre les processus de division et de partition, déconstruire les discours identitaires (ethnonationalistes politico-religieux, patriarcaux) et réfléchir aux conditions “cosmpolitiques” d’un monde commun, en Europe et au-delà, et ensuite aux communs.

À partir de ces préoccupations, j’ai mené ensuite, au ministère de la Culture puis à l’Institut des sciences sociales du politique, en tant que chercheuse contractuelle, des recherches sur les problématiques transculturelles et les enjeux de décolonisation des savoirs, avec deux chantiers : les pratiques interculturelles dans les institutions patrimoniales (GIS Ipapic) et les enjeux politiques de la traduction (circulation des œuvres et des idées) dans la région euro-méditerranéenne.

C’est forte d’une position à la frontière entre mondes académique, culturel et société civile que j’ai ensuite abordé ma mission de coordination et de copilotage du labex Les passés dans le présent à partir de 2012. 



L’équipe Point Recherche : En quoi ces expériences nourrissent-elles la manière dont vous abordez aujourd’hui vos fonctions ?

G. Glasson Deschaumes : Mon action est pleinement ancrée dans le service public de l’enseignement supérieur et de la recherche, et elle reste heureusement teintée et nourrie de ce parcours, dont les sciences humaines et sociales sont un fil rouge. L’hospitalité et le décentrement des savoirs sont une boussole.

Je m’efforce d’agir dans le sens du décloisonnement, de la collaboration et de l’intérêt général et de ne jamais rien considérer comme acquis - pas même l’esprit et la pratique démocratiques.


 
 
 
 
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Mis à jour le 30 avril 2024